Guillaume Bresson, artiste contemporain entre rigueur et liberté
- Rosalie Hurtado
- il y a 2 jours
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Avec une précision photographique et dans de très grandes dimensions, dans des tons neutres et très peu de couleurs, les tableaux hyperréalistes de Guillaume Bresson nous offrent des scènes de corps lascivement enlacés, en tension ou en lutte, quelquefois en chute libre, d’autre fois en lévitation, toujours en mouvement. « En regard » avec les collections contemporaines du musée de Grenoble, il mêle avec bonheur son travail aux œuvres d’art datant du XVIème siècle à celles de nos contemporains. Il domine, sans peur, les plus grands artistes d’hier et d’aujourd’hui.

Épatant. Guillaume Bresson réinvente l'histoire de la peinture et une rétrospective lui est consacré au Musée de Grenoble. Mais pourquoi une rétrospective ?
Il n'a que 43 ans ! En fait, comme chacun de ses tableaux exige de lui entre six mois et un an, son travail, depuis ses débuts à l'école des Beaux-Arts de Paris, représente au total 40 tableaux dont une trentaine exposés ici à Grenoble. Mais alors pourquoi Grenoble, pour ce jeune peintre né à Toulouse, dont les premiers tableaux ont été inspirés par sa tribu, ses amis de la banlieue, rappeurs, graffeurs, danseurs de hip hop ?
Caravage des banlieues ou Poussin des parkings ?

Depuis les années 90 et jusqu'aux début des années 2000, le figuratif avait mauvaise presse et encore plus le dessin du corps hyperréaliste. « Dès que je suis arrivé à New York, tout le monde a aimé mon travail. Du coup, je me suis senti bien et j'y suis resté » explique-t-il tout simplement. Son travail du corps en mouvement à la précision chirurgicale, le soin apporté à la lumière font de lui un véritable disciple de la peinture classique et religieuse d’autrefois. Son originalité ? Amener, en fond, un environnement contemporain. Dans l’un de ses premiers tableaux sa scénographie d'une bagarre d'un couple d’amis toulousain a trouvé sa place dans un parking allemand, dont la grisaille bénéficie d'éclairages blafards. Émeutes et violences urbaines à Toulouse ou en Allemagne, scènes de rixes et d’affrontements, terrains souterrains où l’atmosphère, souvent inquiétante, est accentué par un clair-obscur dont il a le secret. Depuis, on l'a surnommé le Caravage des banlieues ou le Poussin des parkings. Beaucoup disent encore qu'il peint comme Michel-Ange.



Ses tableaux sont construits de façon très rationnelle, comme autrefois. Explications dans la dernière salle du musée qu’il a repeinte en orange, le pigment utilisé autrefois pour peindre les corps. Sur le premier tableau, il nous montre les lignes de fuites et les quadrillages en haut et bas pour placer ses personnages et construire son tableau. Rien n’est laissé au hasard. Tout est rigueur et compréhension.

L’allégorie de la construction
« Lorsque je suis arrivé de ma banlieue et que j'ai découvert toutes ces œuvres magnifiques dans les musées, j'en suis resté imprégné. Toutes m’ont nourri et m’ont aidé à développer ma pratique très personnelle. Pas de hiérarchie entre les époques. Tout commence dans mon studio photo où je fais poser mes amis, ma famille. Ils savent que j'aime avant tout les corps en lévitation ou en contre plongée, ou les corps à corps toujours en mouvement dans une danse ou une bagarre. J'ai ainsi un répertoire de photos, que j’utilise lorsque j’en éprouve le besoin. Je découpe les personnages, les associe pour réaliser des photomontages. Je compose des scènes aux postures baroques. »

Puis avec une grande liberté-l’allégorie de la construction- il choisit de les mettre sur un fond qui donnera une atmosphère particulière. « La peinture est comme une illusion, la représentation d'une scène, les jeux de mouvements, suggèrent une histoire sans la raconter vraiment. C’est comme dans les films », poursuit-il.
Guillaume Bresson est ainsi capable de synthétiser à la fois le film « La Haine » de Mathieu Kassovitz et « L’Enlèvement des Sabines » de Nicolas Poussin » (17ème siècle). Violence et harmonie, scènes de foule, tout lui réussit. Porte de Vanves, au collège François Villon, il organise une séance photo dans la cour. Il en ressortira un immense tableau très sombre dont le phénomène de foule suggère à la fois des violences urbaines et des jeux dans la cour.

On croyait l’histoire de l’art finie et c’est une nouvelle ère de la peinture qui commence avec Guillaume Bresson.

Alors pourquoi Grenoble ? On doit cette prouesse à Sébastien Gokalp, le directeur du musée, qui a initié un cycle « En regard » proposant à des artistes contemporains de se confronter aux collections permanentes. « Nous avons démarré avec Pierre Buraglio qui avait choisi Philippe de Champaigne. L'exposition récente de Guillaume Bresson, au Château de Versailles, sous l'égide de la galerie Nathalie Obadia, nous a conduit bien évidemment à lui faire cette proposition. Il lui a fallu 10 jours pour mettre en regard son travail avec des tableaux historiques et modernes de nos collections permanentes », précise-t-il.
Le parcours est absolument passionnant. Nous vous le conseillons vivement jusqu'au 28 septembre 2025.