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Carte Blanche à Duy Anh Nhan Duc

L’exposition Carte Blanche à Duy Anh Nhan Duc au musée Guimet est un régal pour les yeux. Installée au dernier étage du musée, sous une coupole en bois blanche, elle est éclairée par les nombreuses fenêtres donnant sur les toits de Paris et notre belle dame de fer. Comme dirait le gardien de la salle : « C’est à chialer de beauté ». Et c’est vrai, elle suscite par sa douceur une émotion poétique, un vent d’enthousiasme.


Cette installation végétale est composée de graminées, essentiellement d’akènes de pissenlits, ces petites boules blanches floconneuses et duveteuses sur lesquelles nous avons tous, enfants, soufflé, pour regarder émerveillés l’envol des aigrettes ou pour formuler un vœu secret. Ce rappel de l’enfance est cher à à Duy Anh Nhan Duc, qui a passé sa jeunesse au Vietnam, jouissant des plaisirs offerts par la nature luxuriante. Devenu plasticien du végétal, il nous invite à retrouver les charmes de l’enfance :


« J’aime l’idée qu’un souffle puisse répandre la vie. Il y a de la magie dans cette plante. Par le vœu qu’on lui confie, elle ouvre à l’espoir et à l’enchantement. »


La Semeuse

Et pourtant, deux pictogrammes barrés à l’entrée, nous enjoignent de ne toucher qu’avec les yeux et de ne pas souffler sur les œuvres. Les joies de l’enfance sont réveillées en nous, mais nous n’avons le droit que de les retrouver dans notre mémoire sensorielle et non de les réaliser. Le symbole barré de la Semeuse, image du Larousse Illustré, nous rappelle cette France rurale et agricole, et aussi la diffusion du savoir, sa dissémination dans toutes les couches sociales de la société.






Le Mur

Duy Anh Nhan Duc sème aussi les graines d’une réflexion plus politique, promesses de pépinières d’idées écologiques. L’œuvre, commande du Musée Guimet, est agencée sous forme d’un triptyque, dirigeant notre attention sur notre rapport au monde vivant. Le premier volet est un mur végétal, suspendu en l’air. Cet ouvrage blanc, quadrillé par des akènes de pissenlit, ne nous donne pas l’idée de foncer droit dans le mur de l’effondrement écologique. Même si l’idée est présente, les briques végétales laissent percer la lumière. Ces trouées lumineuses sont autant d’espoirs en germes dans nos esprits.


Le Parloir aux Souhaits

Le second volet s’intitule «Le Parloir aux Souhaits». Le parloir est une petite serre vitrée, constituée de fenêtres de récupération. À l’intérieur du parloir, une hélice, que nous pouvons actionner de l’extérieur, permet de faire voltiger toutes ces aigrettes de pissenlit. Les spectateurs peuvent tout autour formuler leurs vœux qui en formant un nuage floconneux, se dissémineront dans les airs et sèmeront de nouvelles idées fécondes. Cette force mécanique des souhaits collectifs est synonyme d’action et laisse la place à la dernière partie de l’installation, Les Racines du Ciel.

Sur un sol aride est placée une calebasse dans laquelle se trouve une plante en germination. Les souhaits n’ont pas été lancés aux quatre vents, ne sont pas répandus par simple magie. Ils ont permis fécondité et naissance à des réalisations nouvelles. Ils ont été à la base du renouveau de la vie, propre au règne végétal.




Les Racines du Ciel

Cette exposition « carte blanche », est une œuvre tissée de végétaux sur laquelle nous pouvons laisser courir notre imagination d’enfant et écrire nos vœux de fins d’année. Des vœux écologiques qui puisent dans les racines des êtres vivants que nous sommes. Elle noue un dialogue discret avec la littérature et le roman primé de Romain Gary qui déjà en 1956 écrivait dans les Racines du Ciel :


« Est-ce que nous ne sommes vraiment plus capables de respecter la nature, la liberté vivante, sans aucun rendement, sans aucune utilité, sans autre objet que de se laisser entrevoir de temps en temps ? La liberté elle-même est anachronique. »






Olivia Cahn


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