Cancer : une découverte qui pourrait tout changer
- David Moreno
- 10 juil.
- 3 min de lecture
Dernière mise à jour : 11 juil.
Le fer est une ressource précieuse pour les cellules cancéreuses : il stimule leur prolifération rapide et nocive dans les tissus de la personne malade. À l’Institut Curie, Raphaël Rodriguez et son équipe transforment cette appétence pour le fer en une véritable arme contre les métastases. Explications.

Les cellules cancéreuses ont soif de fer. Mais en trop grande quantité, le métal devient toxique : il génère des radicaux libres qui attaquent les membranes des métastases. Ce phénomène, appelé stress oxydatif, peut déclencher une forme spectaculaire de mort cellulaire : la ferroptose, de « ferro » (fer) et « ptose » (chute, mort).
Rodriguez exploite avec brio la dualité du fer : facteur de survie et de prolifération métastatique d’un côté, déclencheur de ferroptose en cas d’excès de l’autre. Les innovations de son équipe ouvrent une nouvelle piste prometteuse pour combattre les cancers résistants aux traitements classiques : la ferroptose ciblée.
Une stratégie inédite : retourner le fer contre le cancer
L’addiction au fer des cellules cancéreuses les plus agressives s’effectue par l’intermédiaire d’une protéine particulière : le CD44. Cette protéine, impliquée dans le transport indirect du fer et localisée à la surface des cellules, est surexprimée (c’est-à-dire présente en grande quantité) dans le cas des métastases.

Le grand nombre de protéines CD44 permet aux métastases d’importer, puis de stocker, de grandes quantités de fer (Fe²⁺) dans leurs lysosomes – sortes de compartiments digestifs chargés de dégrader les déchets cellulaires.
C’est là qu’interviennent Raphaël Rodriguez et son équipe, en concevant une pro-drogue (molécule inactive au départ et qui ne réagit que lorsqu’elle atteint sa cible) : la fentomycin, ou fento-1. Cette pro-drogue se niche dans les lysosomes des métastases et réagit avec le fer stocké en produisant des molécules réactives de l’oxygène : les ROS. Ces derniers déclenchent alors une péroxydation lipidique incontrôlée, conséquence directe d'un stress oxydatif important, conduisant les métastases à la ferroptose.
Pour revenir au début de l'article, c’est comme si le fento-1 avait pour effet de potentialiser l'activité de Fe²⁺ déjà abondant au sein des lysosomes, entraînant une production massive de stress oxydatif létale pour les métastases.
Autre avantage du fento-1 : son activation préférentielle, qui cible les cellules cancéreuses. Cela est rendu possible par la surexpression de CD44, combinée à une forte concentration de fer dans les lysosomes – une configuration propre aux métastases.
Des résultats précliniques qui impressionnent
Les tests in vitro réalisés à partir de biopsies de patients atteints de cancers résistants (comme celui du pancréas) montrent une élimination efficace des métastases. De même, les tests sur des modèles animaux se sont révélés plus que concluants.
Les chercheurs travaillent désormais à l’amélioration du fento-1 afin d’augmenter sa stabilité et diminuer sa toxicité, avant d’envisager une potentielle phase d’essais cliniques chez l’humain. Si la route reste longue, l’espoir de transformer durablement la lutte contre le cancer prend un nouveau tournant.
Sources :
Le cancer se dope au fer – Le Monde
De nouvelles molécules contre les cancers réfractaires métastatiques – La ligue contre le cancer
Raphaël Rodriguez : le chimiste qui veut vaincre les métastases – Arc Aademie
Un traitement prometteur pour les cancers réfractaires – Medscape
Des molécules d’un genre nouveau pour détruire les cellules cancéreuses du pancréas – Institut Curie
Une nouvelle classe de molécules contre les cellules cancéreuses réfractaires – Onco-hemato


