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Glénat, une collection d'exception réalisée avec le coeur

Au couvent Sainte-Cécile, nous découvrons une collection sensible et humaine qui retrace toutes les facettes de l'art au fil des rencontres de Jacques Glénat, réunissant aussi bien des toiles de toutes les époques allant de Gustave Doré à Nicolas de Staël ou à l'artiste isérois contemporain Samuel Rousseau, des planches de BD remarquables, des objets et des sculptures. Pour la première fois, ouvert au public, un majestueux escalier nous mène vers son lieu de travail, antre intime, qui abrite des meubles et armoires magnifiquement conservées de François Hache. Lors de cette visite, nous allons de surprises en surprises.


Jacques Glénat, au Couvent Sainte Cécile à Grenoble, raconte sa passion pour les collections
Jacques Glénat, au Couvent Sainte Cécile à Grenoble, raconte sa passion pour les collections

Il est loin le temps des expositions à Sainte Cécile qui se revendiquaient de l'unicité de thèmes. On se souvient des très nombreuses photographies du célèbre Robert Doisneau, prêtées par la famille de l'auteur, sélectionnées une fois sur le thème de la mer, une autre fois sur celui de la montagne, puis sur le vélo. On n'oublie pas l'ouverture exceptionnelle en 2019, dans l'ancien parloir des nonnes, du cabinet de Rembrandt et de ses nombreuses gravures. Nous avions particulièrement apprécié les planches des auteurs de BD, initiées par Jacques Glénat lui-même, sur le thème de l'aventurier vénitien Casanova, ce Don Juan sans scrupule et tellement séduisant. Déjà, à l'époque, ces planches étaient mises en regard avec des Vedute du XVIII ème siècle comme Francesco Guardi ou Felix Ziem.


Aujourd'hui, dans cette nouvelle exposition, pour les 400 ans du Couvent de Sainte-Cécile, espace attenant à son entreprise, Jacques Glénat se dévoile complètement en nous présentant sa collection glanée avec passion tout au long de sa carrière. Pas de frontière entre sa vie personnelle, son travail passion et celle de collectionneur. En exergue de cette carrière, l'édition en 1969 de Schtroumpf devenu très vite « les cahiers de la BD », véritable tremplin pour des BDéistes du monde entier. Plus récemment, la découverte de l'auteur suisse Zep a été une fantastique réussite et pas seulement commerciale. 


Des acquisitions coup de coeur

Chaque acquisition d'œuvres de la collection nommée pour l'occasion "Passionnément, à la folie" est un coup de cœur, concède Bruneau Girveau, le commissaire d'exposition qui a renoncé à nous proposer une visite chronologique. Il tente le face à face ou le dialogue entre plusieurs œuvres. L'espace consacré au Bestiaire qui nous propose à la fois tableaux et sculptures en est un exemple. L'éclatante peinture représentant une cour de ferme avec plusieurs oies dialogue avec l'ours et la pintade en bronze de François Pompon sous verre, et aussi avec une sculpture en terre, de grande dimension, de l'époque de la dynastie chinoise Tang : le cheval à la bouche ouverte. Impossible d'imaginer cette œuvre à Grenoble ! 


Le cheval à la bouche ouverte Dynastie Tang en Chine
Le cheval à la bouche ouverte Dynastie Tang en Chine


D’accord, l'unicité de thème est modeste,  mais notre jubilation est immense. Sa collection inexplorée et exposée pour la première fois nous dévoile une personnalité sensible avec une certitude sans faille dans ses choix de collectionneur tout comme l'ont été ceux du chef d'entreprise. Il fallait le détour par la tapisserie datant du XIV ème siècle, « Les amours de Gombault et Macée », les faïences de la Tronche dans leurs armoires, les dessins qui lui ont été offerts par les Bdéistes frondeurs comme Cabu ou Claude Serre, « Humour noir et hommes en blanc » publié en 1973. L'année suivante, honneur aux « gnangnan » de Claire Brétecher ! Un sacré challenge pour un travail très peu reconnu à l'époque. La trentaine de planches présentées ici, est la reconnaissance de ce qui est devenu le neuvième art : Sempé, Druillet, Mordillo, Zep, Milo Manara, ou encore André Juillard...


La sculpture de Mafalda ouvre la galerie réservée aux Bedeistes
La sculpture de Mafalda ouvre la galerie réservée aux Bedeistes

"Humour noir et hommes en blanc" Michel Serre (1973)
"Humour noir et hommes en blanc" Michel Serre (1973)

Cet incroyable ensemble d'oeuvres, de gravures, de sculptures, d'objets, de meubles est parfaitement original. Des noms prestigieux « d'hier » émergent auprès de ceux « d'aujourd'hui». Pieter Brueghel le Jeune (XVIème siècle), Rembrandt (XVII), Gustave Doré (XIXème), Pierre Bonnard, Diego Giacometti, Jean-Baptiste Camille Corot, Kees van Dongen, Nicolas de Staël (XXème)… Parmi les contemporains, on remarque la sculpture de Tara, une jeune femme assise de John DeAndrea (2017), absolument remarquable ainsi que le splendide tableau coloré de Minnie de Benjamin Spark (XXème siècle)...


Tara, une jeune femme assise de John DeAndrea (2017)
Tara, une jeune femme assise de John DeAndrea (2017)

Sans oublier la montagne et les artistes locaux auxquels Jacques Glénat est très attaché. Nous redécouvrons avec grand plaisir le travail de Jacques Truphémus, Henri Fantin-Latour, Johan Barthold Jongkind, Henriette Deloras... et bien d'autres encore.


Jacques Truphémus, Autoportrait à Lyon
Jacques Truphémus, Autoportrait à Lyon


Un éclectisme malicieux

Bruno Girveau, le commissaire de l'exposition, qualifiera cette collection « d'éclectisme malicieux ». Intitulée « Epicure », la partie réunissant un mur entier de guides Michelin classés par années, des tableaux de nature morte, mais aussi des bouteilles de Château Yquem... Les œuvres se côtoient sans se contrarier : une nature morte au jambon de Peter Claesz (XVIIème siècle) auprès d'une peinture contemporaine sur verre de Jacques de Loustal, Petit dîner entre amis autour d'un bocal (2015) ou encore l'installation de Samuel Rousseau, « Une soupe cosmique » (2020).


Jacques de Loustal, peinture sur verre. Petit dîner entre amis autour d'un bocal (2015)
Jacques de Loustal, peinture sur verre. Petit dîner entre amis autour d'un bocal (2015)

L'installation de Samuel Rousseau, « Une soupe cosmique » (2020)
L'installation de Samuel Rousseau, « Une soupe cosmique » (2020)

La sculpture de Mafalda comme entrée en matière à l'exposition des planches de BD, le meuble de Mickey recevant les visiteurs dans le bureau de Jacques Glénat sont autant de merveilleuses surprises. L'ouverture pour la première fois au public de son antre intime, son bureau, meublé avec des armoires signées François Hache... «En fait dès ma tendre enfance, j'ai commencé à collectionner. Très tôt j'ai aimé rassembler des portes clés, des timbres et même les sucres récupérés dans les bars. Les premiers journaux de Mickey réunis ici datent de 1934. Je les attendais avec impatience toutes les semaines. A l'époque nous avions de la chance, le facteur passait trois fois par jour et je le guettais jusqu'à ce que le journal arrive», commente Jacques Glénat.


Jacques Glénat a démarré ses collections avec des portes clés, des timbres, des sucres....
Jacques Glénat a démarré ses collections avec des portes clés, des timbres, des sucres....

Plusieurs meubles signés François Hache dans son bureau ouvert au public
Plusieurs meubles signés François Hache dans son bureau ouvert au public

Céramiques réalisés à la Tronche
Céramiques réalisés à la Tronche

Nul besoin à ces  grands et petits objets de revendiquer un statut d’œuvre, ils l'ont. Il fallait l’art. L’art seulement, affirme Proust dans Le Temps retrouvé. Ce riche tour d'horizon, si diverse soit-il, nous a permis d’entrer dans un melting-pot d'œuvres réjouissant. Elle est l'oeuvre d'un passionné et est le résultat de 60 années de récoltes vécues par cet éditeur de BD amoureux de l'art d'hier et d'aujourd'hui. Un héritage artistique à contempler, préserver et transmettre.



Rosalie Hurtado



Information pratique :

Le cinq décembre 2024, (et jusqu'au 29 mars 2025) le couvent Sainte-Cécile, au cœur de Grenoble, pour célébrer ses 400 ans, ouvre ses portes sur une collection inédite, riche de plus de 150 œuvres réunies au fil du temps par l'insatiable Jacques Glénat, fondateur de la maison d'édition de BD.





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